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Production plastique coopérative et expression de soi…

Pour rappel : je travaille en IME – pôle adolescence (14 – 20 ans avec la loi Creton) – troubles cognitifs, troubles du comportement, troubles envahissants du développement… Troubles légers à moyens. L’ARS ne veut plus que l’on utilise le terme IMPro, mais la spécificité de cet IME est la présence d’ateliers professionnels dès 14 ans.

En ce jeudi 28 avril hivernal, les enseignantes sont en formation. Mon collègue et moi accueillons donc les « grands » (+ 16 ans) pendant que le reste du groupe est en atelier professionnels. Ce sont quatre jeunes de l’atelier « peinture en bâtiment » qui restent dans ma salle lorsque je propose une activité « arts plastiques ». Les autres partent avec mon collègue.

Je leur explique qu’il s’agit d’une production collective que j’aimerais afficher dans ma toute-nouvelle-salle-repeinte-et-réaménagée, s’ils estiment que le résultat leur convient. Les quatre jeunes montrent de l’enthousiasme. Je cherche dans ma boîte à idées (qui là, se situe dans ma boîte crânienne), et je leur propose l’adaptation d’une activité que j’avais trouvée sur internet. Et décrite ici : arts plastiques en mode coopération (c’est la 3e illustration de l’article, pour aller plus vite)

Nous traçons une grande Terre allongée-ovale. Bleue. C’est leur choix. Sur une très grande feuille posée sur la table. J’ai l’idée de leur proposer de s’inspirer d’une citation. Trois des quatre jeunes font aussi partie de l’atelier écriture, et sont férus de citations. J’ouvre mon petit livre et en lit plusieurs. Nous choisissons ensemble une citation principale. Un proverbe aborigène.

C’est la Terre qui nous nourrit, respectons-là.

Ils trouvent que celle-ci va bien avec la thématique… Nous l’écrirons au centre. Puis certains choisissent une citation-jolie :

Le soleil que tu envoies revient vers toi. (proverbe hindou)

Pour avoir confiance et espoir dans le futur, il faut d’abord avoir fait face au passé. (proverbe maori)

E.C. décide d’en inventer une avec les petites lettres-tampon :

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La création commence. Ils utilisent des livres, des modèles. Nous tournons de temps en temps d’une place à une autre, en reprenant, en étayant le dessin/collage précédent. Je dis Nous car je ne peux m’empêcher de participer…

De nombreux échanges ont eu lieu pendant cette création. Jamais initiés par mes soins. Et j’en ai retenu deux que j’ai trouvés extraordinaires…

°° Le mariage gay (et oui!). Il faut savoir que l’un d’entre eux est concerné par le sujet, mais ce n’est pas lui qui a lancé la conversation. C’est E.H., une jeune dessinatrice aux talents impressionnants ayant remporté un prix à Angoulême l’année précédente… qui dessine une demande en mariage entre deux hommes. Viennent donc les échanges autour de l’Amour. Que l’amour n’a pas de sexe. Qu’il est universel. Que deux hommes ou deux femmes ont le droit d’être unis par le mariage s’ils s’aiment… Tous sont d’accord.

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°° Des difficultés et des souffrances… C’est E.C. qui lance le sujet : « Avez-vous déjà souffert, vous, dans votre vie ? ». Et là, les échanges deviennent passionnels. Tout en restant dans le calme. Tout en dessinant des fleurs, des cœurs, des papillons, des monstres-gentils, en collant des morceaux de calligraphie, de mandalas, écrivant le nom de l’amoureux, ou la citation-jolie personnelle. Les souffrances racontées ici par ces jeunes, sont celles qui ont été vécues à l’école-d’avant. L’école « ordinaire ». L’une c’est le rejet de l’enseignante qui lui faisait faire du « travail de bébé » au fond de la classe à l’écart. Pour l’autre, atteinte de nanisme, ce sont les moqueries des camarades. E.C. qui avait initié la thématique, parle de sa phobie scolaire. Moi je reste dans l’écoute. Sans aucune intervention. Je laisse le flot de la vie circuler entre eux, et je trouve ça beau. Je les trouve beaux derrière leurs pinceaux et leurs collages de mandalas, à parler de leurs souffrances passées d’un air apaisé. A s’écouter aussi, s’écouter, se questionner. Et surtout, à éprouver de l’empathie les uns pour les autres.

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J’aime ces échanges, leurs liens avec la thématique « Terre », et avec les citations-jolies choisies… Et avec leurs dessins.

Bref, pour moi cet après-midi est lumineux.

A la fin, tous veulent signer. Nous choisissons un endroit pour accrocher sur le mur cette belle réalisation, qui n’est pas uniquement faite de collages et de couleurs… Finalement.

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L’institution [spécialisée] IDÉALE…

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Une discussion avec une collègue cette semaine a réveillé un souvenir. Je pense que c’est l’un des cours qui m’avait le plus marqué, sûrement parce qu’à ce moment-là, j’effectuais un stage dans une institution loin, très loin de la bienveillance et de la bientraitance.

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Le message de Sam Berns…

… De ne se concentrer que sur les belles choses de la vie… Que sur ce qui marche, sur ce que l’on aime, ce qui nous donne de la joie. J’aimerais que le travail de l’éducateur soit ainsi… Qu’il accompagne l’individu à l’activation de la zone « joie ».

sam berns

Je savais que Sam Berns était décédé il y a quelques années. J’avais déjà regardé cette magnifique vidéo. Je n’avais pas réalisé qu’il était mort quelques semaines plus tard. Quel bel héritage… Je vous le partage, pleine d’émotions.

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Atelier écriture et Perlipapotte

perli_01J’expérimente depuis quelques semaines un atelier d’écriture avec un petit groupe de 5 à 6 ados d’IME (trouble de l’efficience intellectuelle léger et moyen avec ou non troubles associés). La source de jeux d’écriture sur le net est presque intarissable… Mais je vous mets en lien, là la fin de cet article, la page que j’utilise le plus. Et lorsque l’année scolaire sera achevée, j’écrirai peut être un bilan avec ceux que j’ai utilisés, les réussites, les échecs, et surtout les productions (qui sont très très chouettes!!). Lire la suite

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Ciné-débat en IME premier volet…

Nous sommes vendredi après-midi. Il y a un groupe parti faire du kayak. Il y a un groupe parti en camp pour deux jours. Et tous ceux qui sont sur les ateliers professionnels. Car nous sommes en IMPro (trouble de l’efficience intellectuelle léger et moyen + troubles associés, dont troubles du comportement). Et trois jeunes filles avec moi que j’appellerai Aurélie, Marie et Hélène en atelier éducatif…

C’est un IMPro dans un endroit idyllique : des montagnes à perte de vue, des petits villages, des chèvres et des vaches, des petits lézards sur les murs… On a même vu un gros lézard vert ou lacerta bilineata la veille, perdu dans les couloirs. Il fait très beau cet après-midi là. Mais je ne me laisserai pas tentée par une sortie à l’extérieur. Ce sont des jeunes pour la plupart de-la-campagne, ils connaissent les lézards et les renoncules. Je reste sur mon idée.

AFFICHEJ’ai décidé depuis plusieurs jours de proposer un « atelier ciné-débat » le vendredi après-midi. Et j’ai envie de présenter essentiellement des films d’animation. Des films d’animation qui passeraient-sur-Arte-ou-à-l’Estive (Salle qui propose du cinéma d’Art et essai) comme le précise une de mes collègues lorsque je lui présente le film choisi : Le Tableau. J’avais eu un coup de cœur pour ce film plusieurs années auparavant. Pour son graphisme. Pour sa jolie métaphore de la société. Et j’étais vraiment enthousiaste…

J’ai voulu faire très simple quant à l’organisation de la séance. Tout en allant piocher des idées ici et là sur le net…

 

 

Donc voici le déroulé :

Présentation du film

Ce moment est important, car les jeunes ont des repères… Il ne s’agit pas de regarder le film de manière passive, mais d’en relever un peu le sens a minima, et l’impact émotionnel qu’il peut susciter. Donc la présentation du film suppose…

  • Le titre, le réalisateur
  • le synopsis (sans aller dans les détails…)

Puis je leur ai dit qu’après cette projection, nous allions en discuter. Et que la seule chose que je leur demandais, c’était de relever les moments qui les ont le plus touché, les moments les plus émouvants.

Projection du film

Pendant la projection, il est intéressant d’observer les réactions…

  • Comment les spectateurs se tiennent
  • Y a-t-il des commentaires
  • Des rires, des larmes
  • A quel moment…
Petit débat…

J’ai voulu faire très simple :

  • Avez-vous aimé? Quel moment avez-vous préféré?
  • Y a-t-il eu un moment qui vous a fait peur / vous a rendu triste ou autres émotions désagréables?
  • Cela vous a-t-il fait pensé à la réalité? A la vie de tous les jours? Pourquoi?

DONC…

Pourquoi Le Tableau
  • Ce film d’animation offre des images magnifiques. Mais vraiment magnifique visuellement…le tableau02le tableau05le tableau03
  • Il est accessible au profil des jeunes concernés : ni trop enfantin, ni trop adulte (j’avais pensé au début présenter Persépolis, mais après l’avoir revu, j’ai renoncé…)
  • Il est plein de thèmes : l’acceptation de l’autre quelle que soit l’apparence, critique de la ségrégation, l’esclavagisme, l’amour, le travail d’équipe et la coopération,
  • Il est métaphorique…
  • Il revalorise l’art de la peinture.

Ce qui s’est passé ce vendredi après-midi…

Je leur ai d’abord demandé qu’est ce qu’ils aimaient regarder comme genre de film et voici les réponses unanimes:

Chucky, les films d’horreur, les films de fantômes…

Puis je leur ai demandé si elles connaissaient des dessins animés, des films d’animation… Et…

La fée Clochette, Barbie, Les Minions

Enfin, j’ai résumé en quelques mots simples le propos du film…

 » C’est un film d’animation – un dessin animé si vous préférez – mais qui ne s’adressent pas seulement aux enfants… L’histoire se passe… Dans des tableaux. Dans un des tableaux, il y a un royaume. Et dans ce royaume vivent plusieurs personnages de tableau : les Toupeints qui sont plein de couleurs, les Pafinis à qui il manque quelques couleurs ou quelques traits, et les Reuf (ça vient de rough en anglais) qui sont des esquisses. Un jour, un Toupeint rassemble tous les sujets du royaume et déclare que les Pafinis et les Reuf doivent être chassés. Que seuls les Toupeints sont légitimes, parce que le peintre les a terminé, qu’ils sont les plus beaux. Mais un jeune Toupeint est amoureux d’une Pafinis. Et il va tenter l’impossible pour vivre sa belle histoire d’amour au grand jour : retrouver le peintre pour qu’il termine sa toile. Voilà le début d’une aventure avec plusieurs personnages : le Toupeint amoureux, une Pafinis et un Reuf, qui vont partir à la recherche de celui qui pourrait arrêter le pouvoir suprême des Toupeints… »

Pendant le film, les filles étaient très concentrées. Il y a eu des rires, il y a eu des exclamations, il y a eu des commentaires lors de moments cruciaux.

Elles ont littéralement adoré.

J’avoue qu’après avoir pris connaissance de leur goût pour les films d’épouvante, j’avais un peu craint sans me laisser déstabilisée, mais leur réaction a été magnifique. L’échange qui a suivi a été très riche… Je vais tenter de le retranscrire (j’ai pris quelques notes)

 » – Alors, les filles?

– C’était trop bien!

– Oui j’ai adoré!? C’était beau! C’était trop beau !

 – Chouette ! Alors qu’est ce qui vous a plu?

– C’était beau!!! Les dessins étaient vraiment beau!

– Dis-moi Aurélie quel a été le moment que tu as préféré? (attention spoiler :-))

– Moi j’ai préféré lorsqu’elle retrouve le peintre à la fin… La rencontre… C’était un moment très beau. Il y avait le mélange dessin animé et film aussi.

 – Oui tu as raison c’est un très beau moment!

– Oui, elle l’a cherché tout le long du film, et elle le trouve enfin. Et il est très gentil.

 – Et un moment que tu n’as pas aimé, ou qui t’a gêné?

– Oui le moment où on voit les Reufs en esclavage. J’aime pas l’esclavage.

 – Oui je te comprends! C’est choquant cette souffrance!

– Oui et puis ça existe l’esclavage encore!

– Mais n’importe quoi il n’y a plus d’esclavage comme ça!

 – Tu as raison Aurélie, ça existe encore. Pas de la manière dont on voit travailler les Reufs (quoi que…), mais il y a encore de l’esclavage dans le monde… Mais d’ailleurs c’est quoi pour vous l’esclavage?

– C’est quand on est obligé de travailler, et qu’on se fait frapper, punir si on le fait pas. Avant il y avait les noirs qui étaient des esclaves.

– Oui c’est choquant. On devrait tous être libres. Et là, tout ça parce qu’il n’est pas Toupeint. C’était horrible…

 – C’est ça. Juste parce qu’on est différents…

– Oui, parce qu’ils étaient différents, il étaient rejetés.

 – Hélène, qu’as-tu à dire sur ce que tu as aimé?

– Pareil, le moment où elle retrouve le peintre à la fin. Leur rencontre. C’était beau, et tout calme. Et il était très gentil ce peintre.

 – Je vois que vous avez toutes adoré la fin!

– Oui c’était une belle fin d’histoire!

 – Un moment que tu as moins aimé?

– Non j’ai tout adoré…

 – Je veux dire… un moment où tu as pu avoir des émotions un peu plus difficiles de tristesse ou de peur…

– Oui, le moment ou le Reuf est poursuivi par le squelette avec l’espèce de faux.

 – Ah c’était effectivement un moment assez effrayant. Ce squelette dans sa grande cape avec une faux, c’est une image de La Mort. C’est comme ça qu’on représente La Mort parfois dans les tableaux…

– Moi aussi j’ai eu un peu peur à ce moment-là. Le pauvre Reuf, il avait l’air effrayé

 – Marie?

– Moi le moment que j’ai préféré, c’est quand le Toupeint amoureux met de la couleur sur le visage de celle qu’il aime!

 – Ouaaaah tu as raison, c’est un moment magnifique!

– Oui, c’est plein d’Amour!

– Ouais moi aussi j’ai adoré ce moment magique!

– Et j’ai pas aimé non plus La Mort qui voulait attraper le Reuf. Heureusement il a pu s’enfuir. Mais le pauvre, il avait l’air faible à côté. »

Je ne vais pas inventer un long débat qui n’a pas eu lieu sur la ségrégation, la démocratie, tout ça… Qui n’a pas eu lieu même si des portes ont pu s’ouvrir… Parce que les filles tenaient ABSOLUMENT à écrire une jolie carte pour la fête des mères, et que je les ai écouté. Il ne restait que 30 minutes.

Le mardi suivant. Je raconte à mon collègue cette belle expérience. Aurélie est là…

 » – Tu te rappelles, Aurélie, le film Le tableau que l’on a regardé vendredi?

 – Oui ! Je l’ai regardé deux fois ce week-end sur mon téléphone!! »

(oui il est sur Youtube…)

Après avoir cherché les autres films d’animation que je pourrais proposer, je me suis arrêtée, pour vendredi, au magnifique Long Métrage Les enfants de la pluie… Je vous raconterai… affiche enfants de la pluie

 

 

 

 

 

 

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Lettre d’une jeune fille à sa mère…

journal intimeVoici un texte que je pense fictif, qui est néanmoins magnifique… Encore un texte de Jacques Salomé*.

« J’ai peur de te parler, maman, parce que je sais que je déclenche des tas de peurs en toi chaque fois que je tente de te dire ce qui m’habite. Quand je te parle de mon amoureux, de mes copines qui font l’amour ou qui rêvent de voyage, de partir à l’étranger, ou encore de faire du théâtre; quand je te confie que mon copain a des désirs et que moi je retiens les miens, je déclenche chaque fois des comportements excessifs et même des crises de folie de ta part. Tu parles, tu parles, tu me noies de mots, de conseils, comme pour évacuer tout le malaise que cela a réveillé en toi. Tu veux tout de suite me prendre en charge, m’expliquer, me rassurer. Tu anticipes le pire et tu me proposes aussitôt des solutions. Tu voudrais que je fasse aussitôt quelque chose pour calmer tes angoisses…

A la moindre sortie un peu tardive, tu évoques enlèvement, viol, prostitution, drogue, sida. Tu surveilles mon linge intime, vérifie mon cycle et je sais que tu lis aussi mon journal, enfin, mon faux-vrai journal. Celui que je laisse en évidence au fond du tiroir où je sais que tu vas le trouver, dans lequel j’écris des banalités ou le ronron du quotidien , pour te rassurer, t’apaiser, t’endormir.

Maman, je ne veux plus te mentir ni faire semblant. C’est vrai, je ne suis pas cette fille idéale sans aucun problème, gentille, soumise et peureuse dont tu rêvais. Je ne sais pas ce que je réactive chez toi, mais je ne veux plus collaborer à cette espèce d’escroquerie que je ressens venant de ta part, dans laquelle je me laisse entraîner malgré moi. Une espèce de contrat implicite d’après lequel je devrais me sentir aimée et respectée tant que je me moule à tes désirs, d’après lequel je devrais exister a minima pour ne pas réveiller tes peurs ou ta culpabilité de ne pas être une bonne mère. liberté

Maman, je ne veux pas payer le prix de ton refus ou celui de tes peurs… Aussi tu l’as peut être perçu, actuellement je me tais, je ne partage plus rien avec toi, je m’absente d’une relation vraie. Depuis quelques temps tu redoubles de questions, tu m’agresses encore plus. Et tu ne sais même pas que, ce faisant, je te protège, que je fais tout ça pour toi, pour ne pas augmenter ton angoisse ou ton désarroi.

Maman, lâche moi les baskets, ose me faire confiance en te faisant confiance, c’est urgent.

Ta fille, hélas unique, qui t’aime »

* Un autre très beau texte de J. Salomé, et quelques lignes sur l’auteur ici: https://ooosophiemaraisooo.wordpress.com/2016/05/16/ecoute-juste-ecoute-en-silence/

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L’histoire dont VOUS êtes le héros…

On va faire un jeu…

Si t’es trentenaire (au moins), t’as connu « le livre dont vous êtes le héro ». 08_marais_scorpions

Et bien là, c’est presque pareil… Tu suis les histoires, et les petits numéros…

Si t’as un esprit hyper critique, tu trouveras mon texte plein de clichés (sache que je les assume pleinement). Si t’es un peu ouvert, tu y verras sûrement… Des archétypes…

Alors voilà. T’es un(e) ado de 15 ans.

Ou plutôt, tu vas fermer les yeux, et te rappeler de qui tu étais à 15 ans. Pendant 1 minute. Prends la peine, s’il te plaît, de te rappeler de qui tu es (étais) à 15 ans. Tu peux prendre un papier et un stylo, et noter ce qui te vient à l’esprit. C’était il y a 5 ans… 10 ans… 20 ans… ou plus… Souviens-toi.

Maintenant, tu vas lire ces 3 textes… Après leur lecture, tu choisiras celui qui touche le plus le Toi-à-15-ans. Même si ta vie n’avait alors RIEN à voir avec ça…

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Premier texte… Tu es A.

« Heureusement que M. Emorane ne m’a pas interrogé(e) car cette fois-ci, je n’avais pas appris ma leçon. Enfin j’aurais pu me débrouiller, mais la honte de ne pas connaître les détails ! Ce cours de violon, le lundi soir, me prends vraiment beaucoup d’énergie. Il me prend de l’énergie et m’en donne en même temps. Je suis accro. Maintenant, il faut que je fasse mon devoir de maths pour jeudi. Je me donne 13 minutes.

Quand je pense à la soirée prévue samedi prochain…

Arfff j’aurai bien le temps d’aller à toutes les soirées lorsque j’aurai réussi mon bac. Il paraît que c’est du grand n’importe quoi en Médecine. Mais… peut être que je ne serai pas invité(e) non plus ? Les boules… En attendant, je n’imagine même pas la réponse de papa si je lui demandais la permission de sortir ce week-end ! Enfin de toutes façons, je ne suis pas invité(e). Comme d’hab. Et puis il y a cette audition de violon en duo avec Annabelle au piano. C’est mercredi prochain. Il faut que je sois en forme ! »

Si ça te parle, RDV en 1)

Second texte… Tu es B.

« Putain, mais c’est toujours moi qu’il interroge ce connard de prof. J’comprends pas, il peut pas me sentir. Encore un putain de 0. Génial. J’m’en fous, je redouble cette année. Je bosserai mieux l’année prochaine. Et puis sinon j’irai en CAP, j’m en fous. Je me demande si tout le monde apprend toujours ses leçons. C’est pas possible, si je faisais ça, je ne verrais plus personne ! Oh ça me saoule… Un putain de 0 ça va vachement me faire baisser la moyenne ça.

Bon qui est invité samedi soir ? Il faut peut-être que je prévois de ramener un peu de beuh au cas où. Mais comme j’en n’ai plus, je dois aller voir Cyril après les cours.

Arff il y a le devoir de maths aussi pour jeudi.

Je le ferai en rentrant. Je serai peut être plus inspiré(e) après m’être défoncé(e). Au point où j’en suis. »

Si ça te parle, RDV en 2) (et ne t’inquiète pas, personne ne le saura)

Troisième texte… Tu es C.

« Tout est ok. Ce n’est pas sur moi que c’est tombé, cette fois… M. Emorane abuse un peu de toujours s’en prendre à B. De toutes façons je connais ma leçon. Je kiffe la période de la Crise de 29. D’ailleurs il faut que je finisse Les Raisins de la colère. Ce bouquin m’inspire des peintures de ouf. Voilà, après le devoir de maths (je vais encore galérer, mais bon…), j’ me roule un pète, je lis une trentaine de page, et ce soir je peins.

J’ai finis l’organisation de la soirée de samedi : les musiques, les invités, le choix de mes sapes… J’espère qu’il n’y aura pas d’incruste ! Je ne sais pas comment je pourrais gérer… Ah je vais inviter A. cette fois… j’imagine qu’il(elle) ne viendra pas, mais je l’aime bien. »

Si ça te parle, RDV en 3) (et personne ne le saura non plus)

Quatrième texte, tu es D.

J’aurais bien voulu que M. Emorane m’interroge. Mais apparemment il s’en prend surtout à B. Je suis un peu stressé(e) avec cette compétition mercredi. Et celle de dimanche. Ce devoir de maths pour jeudi. Çà va, je gère, mais je n’ai tellement pas le temps. Il faut aussi que je dise à C. que je ne pourrai pas venir samedi soir… Lui (elle) qui comptait tellement sur mon aide pour la préparation. Mais là, je ne peux pas être au four et au moulin. Ou peut être que si ?

J’ai une boule au ventre.

Je vais aller courir, ça va me faire du bien.

La vache, il faut aussi que je demande à maman de m’emmener à Pegreville pour la compèt’ de dimanche puisque les parents de Manon se sont désistés.

Courir, je vais courir.

(j’ai dû raccourcir celui-ci…)

°° Je vais demander à maman de nous emmener dimanche … RDV en 7)

°° Je vais surtout chercher à prendre les transports, même si ça doit mettre 3 h de plus. RDV en 8)

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1) « Ouaah, j’ai été invité(e) !! C’est presque la première fois !! j’aimerais bien y aller. En même temps je ne sais pas. Je risque d’être seul(e) toute la soirée. Je ne vais tout de même pas apporter mon violon (uh uh uh). J’hésite… Qu’est ce que papa va dire si je lui demande ? Que va-t-il penser de moi ? Mais j’aimerais tellement, tellement ! Voilà papa qui rentre du travail. Je ne sais pas si je devrais lui parler de ce qui se passe, là ! J’ai tout de même été invité(e) à une soirée ! Même si je n’ai pas envie d’y aller, c’est juste ouaah ! Je suis tellement content(e) qu’il m’est difficile de me concentrer sur ce devoir de maths. J’y suis depuis 8 minutes et je n’ai pas fait la moitié. Je pense trop. Je suis tellement excité(e) ! »

°° Je décide de ne rien dire. Je n’irai pas à cette soirée quoi qu’il en soit… Un jour, peut être… RDV en 8)

°° Je vais parler à papa… RDV en 4)

2) « Impossible de trouver Cyril. J’avais pourtant vraiment besoin d’acheter un ou deux sachets de beuh (d’herbe… NDLR). Je réessaierai tout à l’heure. Il fait chier, il m’avait dit qu’il serait là… Tiens maman est rentrée du taf.

°° Je vais aller me risquer à lui raconter ma journée. RDV en 5)

°° Je vais fumer un joint, j’irai lui raconter ma journée plus tard. Ou pas. RDV en 8)

3) « Bon, il me reste juste une chose à régler… persuader papa et maman de ne rentrer que le lendemain soir, histoire d’avoir le temps de ranger le bordel… Pas si simple. Peut être que je ne vais rien dire. Je me lèverai alors aux aurores pour me taper le ménage. Ou mieux, je ne dors pas. J’attends que tout le monde soit parti. Arff avec la semaine de dingue qui suit, je préfèrerais me sentir en forme. Voilà papa…

°° J’ose lui demander. RDV en 6)

°° Je me tais… RDV en 8)

4) L’échange avec papa…

Tu es arrivé là. Cela signifie que tu oses la confrontation. Ou que t’es joueur. Ou que t’es déjà allé en 8) et que t’es curieux. Donc maintenant, lis chacun des dialogues tels qu’ils pourraient se dérouler. Il y plusieurs propositions. Tu n’es pas obligé de t’en référer à des modèles connus/vécus. En revanche, note (en vrai ou dans ta tête, personne ne vérifiera) comment tu te sens à la fin de chacun de ces échanges. Note toutes tes émotions, tous tes ressentis…

°° se déroule ainsi

« – Bonjour papa ! T’as passé une bonne journée ?

– Oui, une journée parfaite, merci !

– Tu sais ce qui m’arrive ?

– J’espère que t’as pas eu une note en-dessous de 14 au moins ?

– Nan nan ne t’inquiète pas.

– Ok. Tu me laisses arriver et prendre une douche s’il te plaît ? T’as un peu bossé pour l’audition de mercredi prochain ? Tu sais, je n’ai pas pu me libérer. Mais maman prendra le camescope.

– Papa, c’est vraiment important ce que je veux te raconter !

– Ok vas-y, pendant que je range mes affaires.

– Tu sais, il y a une soirée samedi, chez C.

– Peu importe, j’imagine que t’es pas invité(e), alors que veux-tu me dire ?

– Et bien de toutes façons, je n’avais pas du tout envie d’y aller, mais SI, j’ai été invité(e) ! Tu te rends compte ? C’est extraordinaire ?

– Extraordinaire de quoi ? D’aller dans une soirée alcoolisée avec des cas-sociaux tous plus bêtes les uns que les autres ?

– Bah … d’être avec les autres, quoi.

– Les autres quoi ? T’as des amis que je sache ! Il y a un temps pour tout. Tant que tu n’as pas 18 ans, tu es sous notre responsabilité, et notre autorité. Donc il n’est pas question que t’ailles avec les idiots qui boivent de la bière et qui prennent sûrement de la drogue. Je les connais, moi, hein. Les jeunes de ton âge. La discussion est clause. Je ne veux plus entendre parler de ta beuverie.

– Mais je ne voulais pas y aller, c’est juste que…

– Bien-sûr que si, tu veux y aller. Sinon tu ne m’en parlerais pas.

– Non, je te promets que…

– Je perds patience. Je monte prendre une douche. J’espère que t’as terminé tes devoirs et que je vais t’entendre répéter pour l’audition… Tu sais, tout ce que je te dis, là. C’est pour ton bien. Pour ton avenir. »

°° ou ainsi…

« – Bonjour papa ! T’as passé une bonne journée ?

– Oui, une journée parfaite, merci ! Et toi ?

– Oui, j’ai eu une bonne nouvelle !

– Ah ? Quelle est cette bonne nouvelle ? Tu as été sélectionné(e) pour le concours national de BD scolaire ?

– Non, enfin on n’a pas encore les réponses. Non, j’ai été invité(e) à une soirée samedi soir !

– Une soirée de quoi ? Une soirée Ciné avec Elsa et David ?

– Non, une soirée, où on écoute de la musique, et on danse.

– Ah une « boum » ! Et t’as envie d’y aller ?

– Heu, je sais pas trop.

– Tu sais, il faut faire attention à ton âge. Garder des forces pour les études. C’est le plus important. Je ne suis pas sûr qu’une boum te fasse du bien.

– Tu as sûrement raison. Mais je me sens flatté(e) d’avoir été invité(e) !

– Je pense que tu as mieux à faire qu’aller avec ces jeunes qui ne sont même pas tes vrais copains, tu sais… Tu connais du monde qui y va ?

– Et bien, il y a pas mal de mes camarades de classe, et certains d’autres classes.

– Tu sais, quand tu auras 18 ans, que t’auras ton bac, tu pourras choisir tes sorties… Tout ce qui compte, c’est ce diplôme. Maman et moi, nous ne voulons pas que tu gâches ton énergie pour rien. Surtout que nous ne connaissons pas les camarades qui seront là-bas… Je monte prendre une douche… Tu as bossé pour l’audition ?

°° Ou ainsi…

« – Bonjour papa ! T’as passé une bonne journée ?

– Oui, une journée parfaite, merci ! Et toi ?

– Parfaite aussi ! Tu sais, j’ai été invité(e) à une soirée !

– Ah ?

– Oui, c’est C., qui est dans ma classe, qui l’organise samedi soir. Tu sais, il habite la rue aux fleurs, juste à côté. C’est à 4 minutes à pied.

– Mmmh, j’entends une demande derrière tout ça.

– Et bien, je ne sais pas encore… J’ai un peu peur d’y aller à vrai dire. Je n’ai pas l’habitude des soirées où l’on danse.

– Je sens ton hésitation. Et ta joie aussi !

– Oui !

– Tu sais, lorsque tu me demande de sortir, comme ça, un samedi soir avec tes copains, je partage ta joie, et en même temps, je me sens véritablement inquiet.

– Tu te sens inquiet ?

– Oui, car j’entends et je vois des choses à propos des soirées du samedi soir. Des histoires de drogue, ou de jeunes alcoolisés à qui l’on fait subir toutes sortes de choses, lorsqu’ils ne tombent pas en coma éthylique. Et je ne peux pas m’empêcher de te voir au milieu de tout ça. Et d’imaginer le pire. Et en même temps, il faut bien « expérimenter ».

– Peut-être que je pourrais y aller, sans rentrer tard ? Et on pourra même finir la soirée en regardant ensemble Ushuaïa. Et puis je ne me vois pas aller là-bas sans te donner l’adresse exacte et le numéro de téléphone ?

– Je me sens rassuré. Et en joie de ne pas rater un Ushuaïa avec toi. Tu as mon accord, donc…

– Je rentrerai à 22 h au plus tard! Et plus tôt si vraiment je m’ennuie…

– Tu ne veux pas jouer un peu de violon pendant que je me douche ? J’aime tellement t’entendre…

°° Ou encore ainsi…

« – Bonjour papa ! T’as passé une bonne journée ?

– Très bonne, merci ! T’es déjà rentré(e) ?

– Oui, je voulais bosser un peu le violon, et puis j’ai des devoirs.

– Ok

– Tu sais, j’ai été invité(e) à une soirée samedi soir ?

– Ah, très bien ! Et tu y vas ?

– Heu… je ne sais pas trop, peut être.

– Ok, comme tu le sens. Je vais me doucher, là.

– Papa, je t’ai dit que j’avais participé à un concours de BD ?

– Oui, tu me l’as dit la semaine dernière… Je suis vraiment épuisé. On pourra papoter en dînant. Je baisserai le son de la TV si tu veux. Là j’ai besoin de me détendre.

– Je peux jouer du violon ?

– Oui, vas-y.

Tu as bien noté tes ressentis ? Alors rendez-vous en 9)

5) Mes échanges avec maman …

Tu es arrivé là. Cela signifie que tu oses la confrontation. Ou que t’es joueur. Ou que t’es déjà allé en 8) et que t’es curieux. Donc maintenant, lis chacun des dialogues tels qu’ils pourraient se dérouler. Il y plusieurs propositions. Tu n’es pas obligé de t’en référer à des modèles connus/vécus. En revanche, note (en vrai ou dans ta tête, personne ne vérifiera) comment tu te sens à la fin de chacun de ces échanges. Note toutes tes émotions, tous tes ressentis…

°° Se déroulent ainsi…

«- Bonjour maman ! Çà va ?

– Oui pourquoi ça n’irait pas ?

– Je ne sais pas, c’est une interrogation de politesse… Je vais faire mon devoir de maths.

– Attends, puisque t’es là, on peut parler un peu, nan ? Ça n’a pas l’air d’aller je trouve.

– Heu si ?… Oui ? Qu’est ce qu’il y a ?

– T’as eu des contrôles aujourd’hui ?

– Non.

– Les résultats de celui que t’avais fait en SVT la semaine dernière ?

– Je n’ai pas SVT le lundi.

– T’as fait tes devoirs ?

– Je viens de te dire que j’allais monter faire mon devoir de maths, putain t’écoute rien, quoi.

– Nan mais comment tu me parles, là !? Tu me dois le respect ! Je suis ta mère !

– Pardon. En fait t’as raison, ça va pas…

– Me dis pas que t’as encore été interrogé par ton prof d’histoire géo, et que tu t’es encore tapé un 0 ?

– Si…

– Enfin mais merde ! On en a parlé hier ! C’est pas comme si tu savais pas ! Tu foires vraiment tout hein !

– Toutes façons j’m’en tapes. Je monte faire mon devoir de maths.

– Ouais bah t’as intérêt. Je viendrai regarder si t’as bossé.

– Nan tu rentres pas dans ma chambre.

– Comment ça je ne rentre pas dans ta chambre ? Tu rêves là, c’est chez moi ici. Je rentre dans toutes les pièces que je veux.

– Mais putain j’veux pas que tu rentres dans ma chambre ! Maintenant laisse-moi je vais bosser !

– C’est qui que tu traites de putain, là ? Dépêche-toi de monter dans ta chambre ! Sinon je te punis de sortie samedi soir.

– Ouais c’est ça ouais… Je fuguerai.

– C’est ce qu’on verra…

°°Ou bien…

« – Salut maman !

– Bonjour, t’as passé une bonne journée ?

– Oui, merci.

– Attends approche un peu… T’as les yeux vraiment rouges, là. Tu viens de fumer un joint ?

– …

– Ce n’est pas en fumant des joints que t’arriveras à remonter ta moyenne, tu sais…

– …

– Moi aussi, j’ai fumé des joints. Et je peux te dire que ça rend flemmard. Et les études scientifiques montrent que ça endommage le cerveau. C’est pas une « drogue douce »… C’est pour ça que ça va pas à l’école. Tu as des capacités. On est une famille cultivée. On t’offre tout ce que tu veux en terme d’accompagnement à la scolarité (d’ailleurs n’oublie pas ton cours de maths mercredi après-midi). Toi tu foires tout en fumant des joints.

– Quoi je foire tout ? Pourquoi tu dis ça ?

– Tu foires tout parce que t’as pas assez de volonté. Il faut de la volonté dans la vie. Sinon t’arriveras à rien. Les chouettes événements, les chouettes choses ne viennent pas à toi, comme ça, sans effort. Et là le haschish te prive de tes efforts.

– C’est bon, j’ai déjà eu des cours de préventions en classe.

– Ouais bah ça n’a pas l’air de fonctionner, alors autant que je te le rappelle. Tu sais, c’est pour ton bien. Tu es mon enfant. Je t’aime de tout mon cœur. Et je veux te voir réussir dans la vie. Là t’es sur une mauvaise pente, et je suis ta mère, je suis là pour te dire de changer de chemin.

– Tu m’aimes vraiment ?

– Oui, bien-sûr !

– Écoute, il s’est encore passé un truc en histoire géo…

– Pfffff je ne veux pas en entendre d’avantage. Tu me fatigues. On se démène pour toi, et tu fais tout capoter. Que va-t-il se passer si tu redoubles et que ça ne va pas mieux l’année prochaine ? Bah t’iras dans une filière professionnelle ou pire, en apprentissage. Tu serais alors le(a) seul(e) de la famille à ne pas faire des études supérieures. Un peu la honte, en fait.

– Mais avec une filière professionnelle, j’aurai sûrement plus de chance d’avoir un taf qu’avec une maîtrise en histoire de l’art, hein…

– Avec un salaire de misère. Dans la vie, il faut toujours viser plus haut, plus grand. Sinon tu tombes plus bas que ce que tu crois… Faut te trouver des objectifs plus grands…

– Ouais, c’est ça… Je vais faire mon devoir de maths. J’me roule d’abord un joint.

– Quoi ??!!!

– Nan rien.

°°° Ou ainsi…

«- Bonjour maman ! Je voulais te dire… J’ai encore eu un 0 en histoire aujourd’hui.

– Bah que veux-tu que je te réponde ? Que c’est pas bien ?

– Euh… je sais pas…

– Tu te gères, hein… C’est toi qui prépare ton avenir. Qui fait tes choix.

– J’ai une soirée samedi soir.

– Oui je sais. Moi j’invite Corine et Martial à dîner.

– Je monte faire mon devoir de maths.

– A quelle heure veux-tu manger ?

°°° Ou encore…

« – Bonjour maman ! Il faut que je te dise quelque chose.

– Oui, peux-tu juste, s’il te plaît, attendre que j’enlève mon manteau et mes chaussures…

– …

– Je suis toute ouïe. Que se passe-t-il ?

– Et bien j’ai été interrogé(e) en histoire ce matin. Je ne connaissais pas ma leçon. Et j’ai eu 0.

– Comment te sens-tu ?

– Je ne sais pas trop. En même temps, je me dis que c’est foutu, car je sais que je redouble à la fin de cette d’année. Et en même temps, je me sens humilié(e).

– Oui, tu as des émotions contraires…

– C’est ça. Tu sais, j’aimerais tellement que cet échec scolaire me soit profitable l’année prochaine !

– Je comprends…

– Et puis je crois que je fume trop.

– On en a déjà parlé je crois.

– Oui… J’ai envie de pleurer… Je me sens nul(le)

– Tu n’as pas trouvé en toi les ressources… Qu’attends-tu de moi ?

– J’sais pas…

– Je suis ta maman. Qu’attends-tu de moi ?

– J’aimerais, je crois, que tu surveilles d’avantage mes devoirs. Que tu prennes le temps de me faire réciter mes leçons. C’est plus facile à deux que tout seul. Et papa rentre très tard.

– Ah oui ? Je pensais bien faire en favorisant ton autonomie… Je dois reconnaître me tromper alors.

– Nan mais c’est pas ça. Je me sens autonome et responsable sur plein de trucs. Tu sais, j’aimerais faire un bac littéraire. Mes notes ne sont pas pourries en français. J’aimerais faire des langues. Voyager à l’étranger.

– Et bien ! J’entends que tu as des objectifs !

– Oui ! Oui !

– Est-ce que je peux te donner un petit conseil de sage…

– Je t’écoute maman…

– Si tu t’accroches à tes objectifs les plus élevés, tu pourras, j’en suis sûre, soulever des montagnes…

– Si je m’accroche à mes objectifs… Tu sais, je crois que je n’avais pas réalisé avant tout de suite que je voulais vraiment étudier les langues étrangères.

– Ton échec en histoire-géo te permets d’avoir de belles prises de conscience alors !

– … Je monte faire mon devoir de maths. Tu viendras le regarder quand j’aurai terminé ?

– Si tu veux ! Appelle-moi quand t’as terminé.

Tu as bien noté tes ressentis ? Alors rendez-vous en 9)

6) Persuader papa et maman…

Tu es arrivé là. Cela signifie que tu oses la confrontation. Ou que t’es joueur. Ou que t’es déjà allé en 8) et que t’es curieux. Donc maintenant, lis chacun des dialogues tels qu’ils pourraient se dérouler. Il y plusieurs propositions. Tu n’es pas obligé de t’en référer à des modèles connus/vécus. En revanche, note (en vrai ou dans ta tête, personne ne vérifiera) comment tu te sens à la fin de chacun de ces échanges. Note toutes tes émotions, tous tes ressentis…

°° – Bonjour papa…

– Salut ! T’as passé une bonne journée ?

– Oui, ça va.

– J’aimerais te demander un truc, par rapport à ma soirée.

– Oui qu’y a-t-il ?

– Et bien… Pourriez-vous ne rentrer que le dimanche soir ?

– On en a déjà parlé. Pas question. Déjà, on est bien sympas de te laisser la maison pour inviter tes 4 amis. Tu m’as bien dit 4, n’est-ce-pas ? Tu m’as parlé d’une soirée pyjama ?

– Heu… oui. Oui, c’est ça.

– Ok. On ne va pas s’empêcher de vivre pour toi. On dort chez ta tante, et on revient en fin de matinée.

– Oui, mais si…

– Mais si quoi ? Il n’y a pas de mais. Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as. Peu de parents laissent la maison à leur ado de 15 ans pour une nuit entière. On a décidé de te faire confiance avec ta mère… Pyjama party, histoires de fantômes, partages de confidences, et au lit…

– En fait, je me disais que tu pourrais peut-être emmener maman au château de Dulauch la journée de dimanche. Elle m’a dit qu’elle voulait le voir depuis longtemps. Il paraît qu’il y a une expo de Land-Art en ce moment.

– Ah ? Et bien je vais y réfléchir… C’est quoi le lainedarte ?

– Tu sais, c’est des artistes qui fabriquent des œuvres d’art avec des matériaux issus de la nature. Des œuvres d’art éphémère.

– Alors ça pourrait être pas mal… Bon d’accord. Ne le dis pas à ta mère, je vais lui faire une surprise.

°°° Ou bien…

– Papa, j’aimerais te demander un service ?

– Tu pourrais peut être me dire bonjour avant ?

– Pardon. Bonjour.

– Que veux-tu encore ?

– C’est à propos de ma soirée de samedi.

– Ta Boum ?

– Oui. Appelle ça comme tu veux. J’aimerais être sûr(e) que tout soit bien nettoyé avant que vous ne rentriez dimanche, et ça va faire court si vous revenez dans la matinée.

– Je pense que la matinée est largement suffisante pour le ménage d’une boum. T’auras qu’à te lever tôt.

– Nan mais, je…

– Attends, ne me dis pas que tu vas faire la grasse matinée en plus… C’est déjà bien de te laisser toute la nuit ! Tu te rends compte ? Peu de parents offrent ça à leur gamin. Prends tes responsabilités.

– Justement, je…

– As tu prévu une heure de fin ? J’espère… Vous n’avez que 15 ans. T’imagines ce que les parents pourraient penser de nous si tu ne donnes pas d’horaire de fin ?

– En fait…

– As-tu invité beaucoup de monde ? Peut être qu’il y en a quelques uns qui resteront passer la nuit, ainsi ils t’aideront pour le ménage.

– Oui, il y a sûrement B. et peut être d’autres.

– Quoi, je te sens un peu fâché(e) là ?

– Et bien tu ne me laisses pas en placer une !

– Hou lala baisse d’un ton s’il te plaît… Tout peut encore s’annuler. C’est pas parce que ça va pas à l’école que tu dois me prendre la tête.

– Mais ça va bien en cours…

– Mouais… Quand tu n’auras plus aucune note en-dessous de 14 tu pourras me dire ça. Parce que tu crois que tu vas gagner de l’argent en faisant des expos ?

– Ok papa, tout sera propre dimanche en fin de matinée…

°° Ou encore

« – Bonjour papa, j’aimerais te demander un service…

– Lorsque je rentre du travail et que tu me sautes dessus comme-ça, je me sens légèrement irrité…

– Oups pardon…

– Comment s’est passée ta journée ?

– Très bien, merci… On n’a pas encore eu les résultats de SVT, mais j’ai confiance.

– Ok… De nouvelles idées de peintures ?

– J’en ai plein en tête ! J’ai fait plusieurs croquis, je pourrai te montrer si tu veux…

– Oui ! Alors j’ai d’abord besoin d’arriver et de me poser, et puis je me sentirai plus en phase ensuite…

– Par contre, j’ai une demande à vous faire, à toi et maman.

– Je ne peux pas parler au nom de ta mère, mais essaie toujours. Laisse-moi juste retirer mes chaussures et m’installer dans le fauteuil…

– …

– Alors, dis-moi ?

– C’est à propos de dimanche.

– De dimanche ou de samedi soir ?

– Les deux en fait…

– Si vous rentrez tôt dimanche, j’ai peur de ne pas avoir le temps de vous rendre une maison parfaitement nettoyée et rangée. J’aimerais vraiment que ce soit « comme si de rien n’était »…

– Oui continue…

– Et en même temps, je n’ai pas envie de me lever aux aurores dimanche matin.

– J’entends ta demande. Tu voudrais que l’on ne rentre que dans l’après-midi.

– Oui. Enfin le plus tard possible.

– Je comprends. Mais ce n’est pas le contrat qui a été passé.

– C’est vrai.

– Nous allons chez ta tante pour la nuit, elle ne peut nous accueillir davantage. Et surtout, nous aimerions profiter de notre dimanche à la maison. Et avec toi…

– Je ne sais pas quoi répondre.

– Çà te tient à cœur de nous rendre une maison parfaitement propre. Et en même temps, j’imagine que tu voudrais te reposer dimanche matin… et éviter la corvée au réveil.

– C’est un peu ça en effet…

– Tes arguments sont parfaits. Mais par respect pour moi, pour ta mère, pour nous tous, je ne peux pas répondre oui.

– Vous serez là dimanche après-midi alors…

– Nous rentrerons pour le déjeuner. Ne t’inquiète pas, nous amènerons une pizza. Rien à préparer.

– Est-ce que je peux inviter quelques amis à rester dormir, alors… Ainsi nous irons plus vite à faire le ménage…

– Voilà une solution qui me paraît tout à fait possible.

Tu as bien noté tes ressentis ? Alors rendez-vous en 9)

7) Me voilà face à maman…

Tu es arrivé là. Cela signifie que tu oses la confrontation. Ou que t’es joueur. Ou que t’es déjà allé en 8) et que t’es curieux. Donc maintenant, lis chacun des dialogues tels qu’ils pourraient se dérouler. Il y plusieurs propositions. Tu n’es pas obligé de t’en référer à des modèles connus/vécus. En revanche, note (en vrai ou dans ta tête, personne ne vérifiera) comment tu te sens à la fin de chacun de ces échanges. Note toutes tes émotions, tous tes ressentis…

°° Et c’est ainsi que…

« – Bonsoir, m’man !

– Salut ! T’as passé une bonne journée ?

– Oui, un peu speed, mais ça va.

– Pourquoi speed ? Tu m’as l’air sacrément angoissée… Tu veux me dire ce qui te tracace ?

– Euh je sais pas trop, là…

– Tu sais, tu peux tout me raconter, je suis ta mère… Je te connais comme si je t’avais fait(e). Je sens que tu vas mal. Dis-moi. Je suis sûre que je peux tout arranger.

– C’est à dire, que…

– Tu as eu les résultats de SVT et t’as loupé, c’est ça ?

– Non, non… Le prof rend les copies la semaine prochaine

– T’as été interrogé par Emorane et tu ne savais rien ?

– Non. Enfin si, j’avais appris ma leçon, mais il ne m’a pas interrogé.

– Ah, c’est dommage, ça fait remonter la moyenne…

– Oui, tu as raison.

– Bon, dis-moi donc ! J’en ai un peu marre de jouer aux devinettes ?

– C’est à propos de la compèt’.

– Celle de dimanche ?

– Oui, c’est ça.

– OOOhh nan me dis pas que je dois vous emmener ! J’ai invité ton oncle et ta tante pour laisser C. faire sa soirée. Je ne me sens pas de t’emmener en plus à Pegreville…

– Bah… nan laisse tomber.

– Oui, j’aime mieux ça.

°° Ou bien…

« – Maman, bonjour ! Peux-tu m’emmener dimanche à Pégreville ?

– Quoi pour ta compèt’ ?

– Oui c’est ça.

– Tu sais j’avais plutôt prévu autre chose pour dimanche.

– Oh maman, s’il te plaît, s’il te plaît ?

– Bon, si tu veux. Pour quelle heure ?

– Il faut y être à 9h.

– Je ne suis pas obligée de rester au moins ?

– Nan, ça ira.

– Ta journée s’est bien passée ?

– oui oui… »

°° Ou encore…

« – Bonjour maman ! J’aurais un service à te demander…

– Je suis fatiguée, là… Permets-moi d’arriver s’il te plaît.

– …

– Ok, je t’écoute.

– Les parents de Manon ne peuvent plus nous emmener à Pegreville dimanche. Il s’agit d’une compétition régionale importante. J’aimerais que tu puisses nous y emmener.

– J’entends que c’est important pour toi d’aller à cette compétition… Le problème est que j’ai vraiment prévu autre chose dimanche.

– Tu ne seras pas obligée de rester. Nous prendrons les transports pour rentrer.

– C’est pour quelle heure ?

– Pour 9h…

– Tu as une compétition mercredi aussi, n’est-ce-pas ?

– Oui, mais ce n’est pas pareil.

– Tant qu’à t’accompagner, je pourrai peut être rester un peu… Je ne t’ai pas vu depuis 2 mois… Tu as dû progresser.

– Oh ça me ferait plaisir !

– Mais je repartirai vers midi… Je n’ai pas envie de rester la journée entière. Et vous rentrerez en transports. J’ai besoin de repos.

– Ok, on fait ça ! »

Tu as bien noté tes ressentis ? Alors rendez-vous en 9)

8) Je ne serai pas à l’origine d’un nouveau conflit…

Oui, c’est la meilleure solution de me taire… Ainsi, je ne crée aucun conflit. J’ai déjà bien assez à faire avec les conflits à l’intérieur de ma tête, si en plus je dois gérer les conflits avec mes parents… C’est mieux de s’écraser. J’entends cette petite voix dans ma tête qui me dit que quand-même, je peux toujours tenter de parler. Nan, à quoi bon… Tout est mieux ainsi.

Oh puis j’ai pas envie de le faire maintenant, ce devoir de maths. Je le ferai demain.

9) Maintenant, tu es un adulte.

Ton Toi-à-15-ans existe encore, au fond de tes tripes… Tu te rappelles que « c’est pas facile d’avoir 15 ans ». Tu es un adulte, et tu es peut-être même devenu parent, prof, éduc, animateur, assistant social, CPE, AMP, pédopsychiatre, tonton, tata, parrain, marraine…

Quel espace offres-tu au jeune en face de toi ?

2

Écoute… juste, écoute… en silence…

Je partage ce magnifique texte de Jacques Salomé*.

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Parce que j’ai trop souvent vu (et… vécu…) ces parents, enseignants, éducateurs… ces thérapeutes aussi… Qui attrapaient ce qui était dit pour en fabriquer un avion en papier. Mais avec leur papier, leur couleur, leur façon de plier et de lancer.

Et l’avion en papier devenait un avion de chasse. Bref. Voici un texte qui parle directement au cœur.

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« Quand je te demande de m’écouter et que tu commences à me donner des conseils, je ne me sens pas entendu.

Quand je te demande de m’écouter et que tu me poses des questions, quand tu argumentes, quand tu tentes de m’expliquer ce que je ressens ou ne devrais pas ressentir, je me sens agressé.

Quand je te demande de m’écouter et que tu t’empares de ce que je dis pour tenter de résoudre ce que tu crois être mon problème, aussi étrange que cela puisse paraître, je me sens parfois plus en perdition.
Si tu fais çà pour moi, tu contribues à ma peur, tu accentues mon inadéquation et peut-être renforces-tu ma dépendance.

Quand je te demande ton écoute, je te demande d’être là, au présent, dans cet instant si fragile où je me cherche dans une parole parfois maladroite, inquiétante, injuste ou chaotique. J’ai besoin de ton oreille, de ta tolérance, de ta patience pour me dire au plus difficile comme au plus léger.
Oui, simplement m’écouter… sans excusation, ni accusation, sans dépossession de ma parole, sans tentative d’appropriation de ce que je te dis.
Écoute, écoute-moi quelquefois !

Tout ce que je te demande, c’est de m’écouter. Au plus proche de moi. Simplement accueillir ce que je tente de te dire, ce que j’essaie de me dire, car c’est cela le plus difficile.
Ne m’interromps pas dans mon murmure, n’aies pas peur de mes tâtonnements et de mes imprécations. Mes contradictions comme mes accusations, aussi injustes soient-elles, sont importantes pour moi.

Je ne me sers pas de toi, mais c’est vrai, j’ai besoin de toi à ce moment-là.
Par ton écoute, je tente de dire ma différence, j’essaie de me faire entendre surtout de moi-même. J’accède ainsi à une parole propre, à une parole mienne, celle dont j’ai été longtemps dépossédé.
Oh non ! Je n’ai pas besoin de conseils ou de réassurances dans ces moments-là ! Je peux agir par moi-même et aussi me tromper. Je ne suis pas impuissant, parfois démuni, découragé, hésitant, pas toujours impotent.

Si tu veux faire pour moi, tu contribues à ma peur, tu accentues mon inadéquation et peut-être renforces-tu ma dépendance.
Quand je me sens écouté, je peux enfin m’entendre.
Quand je me sens écouté, je peux entrer en reliance. Établir des ponts, des passerelles, certes, incertains et fragiles entre mon histoire et mes histoires, mais j’avance.
Je peux relier des événements, articuler entre elles des situations, donner du sens à des rencontres ou simplement accepter mes émotions. Dans la trame de mes interrogations, tisser ainsi l’écoute de ma vie.

Oui, ton écoute peut être passionnante.
S’il te plaît, écoute-moi et entends-moi.
Et, si tu veux parler à ton tour, attends juste un instant, que je puisse terminer et je t’écouterai à mon tour, mieux, surtout si je me suis senti entendu dans cet espace de moi, plus ouvert à toi.

Jacques Salomé, Lettres à l’intime de soi, Albin Michel, Octobre 2003

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*Qui est l’auteur? J.Salome

Jacques Salomé n’est pas seulement un écrivain célèbre dans le milieu – souvent contesté  dans nos milieu de l’éducation spécialisée souvent teinté de théories psychanalytiques – du « développement personnel ». Il est diplômé de l’école des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris. Avant sa célébrité, il était un collègue… directeur d’un centre pour jeunes délinquants, puis il a formé un centre de formation en relations humaines.

Un lien pour mieux le connaître : site officiel de Jacques Salomé